Le petit jour pointait à l’horizon, rose, barré de nuages jaunes qui s’évaporaient dans le ciel. Macannan regardait ce spectacle tandis qu’une légère brise lui caressait le visage. Il était heureux d’être revenu. Cela faisait si longtemps qu’il l’aurait presque oublié, presque seulement. Ce monde avait bercé son enfance. Il se rappelait ses escapades pour aller danser avec ses nouveaux amis. Cela faisait bien longtemps, oui, bien longtemps, pensait-il.
- Eh, mon garçon! Il est temps de partir!
Armand se contenta de grogner tout en se retournant. Macannan dut s’y reprendre à trois fois pour le garçon daigne enfin ouvrir un œil.
- Il est trop tôt pour se lever! dit-il en se mettant en boule. Et puis, je n’ai pas encore entendu la cloche sonner!
- Je ne crois pas qu’il y ait de cloche de ce côté-ci!
À ces mots, Armand ouvrit complètement les yeux, se les frotta, puis se tourna vers le vieil homme.
- Je… je crois que j’ai rêvé!
- C’est bon signe, mon garçon! Et, que disait ton rêve?
- Je… rêvais que je dansais avec des korrigans!
- Ah! Tu rêvais, tu disais?
Macannan le regarda avec attention.
- J’en étais sûr! dit Armand en se redressant. J’aurai voulu que ce soit un rêve, mais je crois que mes jambes sont trop douloureuses pour y croire! Ils… ils sont partis?
- Un peu avant que le soleil ne repousse le manteau d’étoiles!
- Mais alors…
j'ai à peine dormi deux heures !
- Oh, tu sais, deux heures, ça ne veut pas dire grand-chose de ce côté…
Extrait tiré de "Le Géant qui marchait des deux côtés"
Le lac qui s’y trouvait était un miroir silencieux, et pourtant si profond qu’il allait jusqu’aux étoiles, à moins que ce ne soit le ciel qui descendait dans ses eaux calmes pour se reposer.
- Je l’aimai bien!
- Moi aussi! dit Ilan en traînant sur les mots, comme pour mieux se rappeler.
Yoran les regarda avec attention et… étonnement. C’était bien la première fois depuis, il ne savait plus lui-même, que ses deux amis étaient pour une fois d’accord.
- Tu crois qu’il pense à nous? demanda Ilan.
- Ça, tu peux être sûr! répondit Kristell avec assurance.
- Comment tu le sais d’abord? Tu n’es pas dans sa tête!
- Parce que je le sais, voilà tout!
- Ah, oui?! Tu peux m’expliquer co…
- Il n’y a rien à expliquer! le coupa-t-elle.
- C’est trop facile de faire celle qui sait tout! C’est comme…
- Tu m’embêtes! Je le sais, c’est tout!
- Quel sale caractère, je te parle plus!
- Pff… Toi, ne plus parler?! Je crois que tous les géants de l’autre côté se réuniront avant que ça…
Kristell s’arrêta un instant.
- Eh, tu vas pas faire ça!
- C’est toi qui ferais bien de te taire, sinon, qui sait où nous allons arriver! Je n’ai pas envie de me retrouver les pieds dans l’eau une seconde fois!
- D’abord, je ne parlais pas!
- C’est pareil!
Kristell bougonna pour elle-même sans jeter un regard à Ilan, tout en paradant devant. Il faut dire que depuis qu’elle ne boitait plus, elle était rarement à la traîne, ce qui énervait de la même façon, Ilan. Leurs voix se perdirent sur le chemin, cela n’avait pas duré bien longtemps se dit Yoran. Il aurait été étonnant qu’ils ne trouvent pas un terrain pour se chamailler une fois de plus. Cependant, Ilan n’avait pas tout à fait tort, pensa-t-il en se grattant la tête.
- Vous entendez?
- Je n’entends pas mais je sens! répondit Yoran.
- Le sol tremble! s’inquiéta Ilan.
Extrait tiré de "Les chemins d'illusion"
- Pourquoi, c’est ainsi? dit-elle d’une voix monocorde.
- Le ciel a parlé! dit le garçon en levant les yeux.
- Le ciel, ça parle pas! Tu ne vas pas croire ce que dit la pierre!
Mélyne aurait voulu que cela ne soit pas. Dans sa colère, elle aurait souhaité que les gens du village retrouvent son ami, au moins, il ne serait pas parti. Elle se sentit impuissante tandis que le vent qui s’était renforcé, balayait ses longs cheveux aux reflets d’or.
Lorsque Ghaald relâcha son étreinte, la jeune fille n’avait plus de voix. Elle était anéantie par cette fatalité qui lui tombait dessus. Son ami la regarda une dernière fois avant de déposer un baiser sur ses joues puis s’éloigna. Un peu plus loin, il se baissa pour ramasser quelque chose qu’il mit sur son épaule. Elle crut apercevoir un sac bien qu’elle le trouvât bien petit pour être le sac de quelqu’un qui entreprend un si long voyage. Ghaald avait certainement tout prévu depuis longtemps. Mélyne l’observait, les yeux rougis par le chagrin. Elle espéra un instant qu’il ferait demi-tour, mais son ami ne se retourna pas. Bientôt, il ne devint plus qu’un point sur la colline qu’il descendait.
La jeune fille resta immobile jusqu’à ce que la fatigue et le froid n’aient raison d’elle. Alors, tremblante, plus par désespoir que par le vent glacial qui soufflait, elle regagna le village en pleurant. Elle savait que sa vie ne serait plus jamais la même, plus jamais. À cet instant, elle aurait voulu mourir.
Au même moment, un peu plus loin, tapi dans l’ombre, le vieux Barnabé regardait Ghaald s’éloigner. Il s’était toujours demandé quand le garçon partirait pour entreprendre le voyage qui le menerait au-delà de l’horizon. Cela faisait maintenant si longtemps qu’il veillait en secret sur lui, ne l’approchant que de rares fois. Durant tout ce temps il lui avait caché la vérité, et pour la première fois, Barnabé était inquiét pour Ghaald. Lui-même rentra chez lui d’un pas lent, il savait qu’à son tour il devrait partir. Il aperçut Mélyne et il fut triste car il sentit que son cœur était déchiré mais il ne pouvait pas changer le fil du temps.
Extrait tiré de "Les aventures de Ghaald"
Là dessus, il claqua sa langue et la charrette qu’un solide cheval tirait, s’ébranla.
- Le chemin que tu as pris mène bien vers l’océan, mon garçon! C’est bien là que tu veux aller?
- Euh, oui!
- Et, que comptes-tu y faire, si ce n’est pas indiscret?
- Je… voulais voir!
- Voir quoi? Il n’y a que l’eau et les âmes des pêcheurs qui sont restés sur la crête des vagues trop longtemps! répondit l’homme.
- Je ne l’ai jamais vu! dit Yann.
- Hum!
L’homme se racla la gorge puis cracha dans la brume.
- Alors nous ferons un bout de route ensemble! lança ce dernier sans détourner les yeux du chemin.
- Vous n’avez pas peur de voyager la nuit?
- Voilà une bien étrange question pour un jeune homme que je trouve en pleine nuit sur mon chemin!
- Mes parents m’ont souvent dit que les hommes n’aimaient pas, à moins d’y être contraints, sortir quand le soir chassait le jour!
- Et toi, tu n’as pas peur?
- Non…! Pourquoi?
L’homme secoua la tête puis cracha à nouveau dans le noir. La brume s’était quelque peu dissipée, laissant les ombres reprendre le dessus. L’attelage cahotait de droite et de gauche sur les pierres jonchant le sol. Aucun des deux ne reprit la parole durant tout un moment. Son étrange compagnon se tenait raide, jetant deçi delà des regards alentours comme un oiseau guettant sa proie. La rivière chantait sur leur côté, insouciante du temps qui passait, comme les saisons. Elle courait sans jamais s’arrêter, à la poursuite peut-être de ce temps qui s’enfuyait, personne ne le savait.
Un bruit lancinant, presque hypnotique s’immisçait petit à petit dans les pensées de Yann. Il n’y aurait pas prêté attention si une pierre, sans doute plus grosse que les autres, fit sursauter la charrette, le tirant de sa rêverie. Il sentit aussitôt sur son visage l’air frais et humide de la nuit. Cependant, le bruit était toujours là.
Extrait tiré de "Le voyage de l'Elfée"
… Bois un peu, les herbes que j’y ai mises calmeront ta faim.
- Pourquoi ? t’as pas trouvé un lapin ?
- Non, pas ce soir… Repose-toi maintenant. Demain, je te promets de
ramener quelque chose.
- Je suis juste un peu fatiguée… et…
Elle ne termina pas sa phrase. Son état inquiétait Morwen.
La sueur perlait à son front et ses yeux devenaient trop brillants.
Il la couvrit de son manteau et écouta les sons de la nuit. Un oiseau
de proie attrapa non loin un rongeur qui s’était laissé
surprendre. La vie continuait, en équilibre sur un fil, à fleur
de cœur. Timidement, les étoiles essayaient d’éclairer
le ciel tandis que la nature tout entière vibrait de la vie qui
l’habitait.
Combien de jours, de saisons devrait-il traverser pour rejoindre sa destinée ?
Et la petite ?… Ses pensées s’effilochaient comme
les nuages devant la lune. Ils étaient là, deux silhouettes
sombres figées dans le noir. Doucement son corps glissa sur
le sol, emporté par le sommeil.
Morgane, entre deux clignements d’yeux, cherchait dans le ciel une étoile
à qui se confier. Elle écoutait battre son cœur contre
la pierre et pensait à sa mère. Cette mère qui lui manquait
et qu’elle ne reverrait plus que dans ses rêves. Elle grandissait
trop vite dans un corps de petite fille. Tremblotante, elle se recroquevilla
et ses pensées se fondirent dans la nuit trop noire…
Extrait tiré de " Le Marcheur de Lune " aux éditions Vivez Soleil.
Enké
savait qu’il ne devait pas s’arrêter. Ses pas le menaient
plus que sa volonté. Il se sentait faible, moins par fatigue que par
l’absence de Sylaan et Koàbé. La tempête l’avait
éprouvé. Il s’arrêta bien avant la tombée
du jour. Allongé sur un lit d’herbes que lui disputait la poudre
de terre, il regarda longuement le ciel. Son village revenait souvent dans
ses pensées. Les voix des enfants éclataient dans l’air.
La vie y était harmonieuse et simple. La cueillette et la chasse ponctuaient
le temps. Quand le chaman préparait ses herbes les yeux mi-clos, dans
l’ombre de son repère, des fragrances inconnues embaumaient l’air.
Ses longs doigts ridés et séchés par le temps mélangeaient
délicatement des poudres colorées. Enké se rappelait
les paroles de son maître « Saskwaché »
- Tu vois Enké, tout est dans la mesure, comme le temps. Une poudre
comme le vent, une poudre comme la pluie et au soleil tu redonnes vie aux
affligés. La vie est une alternance où le « bon »
et le « mauvais » comme l’entendent la plupart
des gens, ne veut pas dire grand-chose. La pluie est-elle mauvaise et le soleil
bon ? Ni l’un ni l’autre. Ils sont ! Voilà tout. C'est dans le cœur que tu trouveras les mystères…
Enké venait de se relever
croyant avoir entendu une voix. Ses sens étaient en alertes. Peut-être ses amis étaient-ils là.
Extrait tiré de "Les vents du Silence"
Aenor,
qui était la plus jeune, ne manquait jamais d’emmener Garven
dans ses escapades.
- Le dernier arrivé sur le rocher du chef aura un gage ! dit Aenor
en partant comme un trait.
- Eh ! Tu triches, attends-moi !
Garven se faisait toujours avoir car la fillette n’attendait jamais
la fin de la phrase pour partir.
- Regarde ! je cours aussi vite que le vent ! dit Aenor.
Par moments, Garven pensait que c’était vrai tant elle filait.
Arrivée sur le rocher, elle n’était jamais essoufflée,
ce qui énervait Garven. Mais bien vite les rires emportaient tout.
Les enfants s’asseyaient, regardant les herbes chanter sous le vent
tandis que la fillette faisait de gracieux mouvement de bras devant elle.
Garven en restait à chaque fois sans voix. Puis, Aenor s’arrêtait
et tous deux partaient dans de grands éclats de rire. Ils restaient
ensuite immobiles comme le rocher lui-même.
- Tu as bougé !
- Non, c’est pas vrai !
- Si t’as bougé !
- C’est le vent ! dit Garven.
- Tu n’es plus une pierre, alors ! Tu as brisé le sort !
- Toi aussi, tu as bougé !
- Oui ! Et maintenant, attrape-moi si tu le peux !
Aenor se laissa glisser jusqu’au sol, les herbes…
Extrait tiré de " Légendes en Pays Celte "
Elle
était là, regardant de ses yeux noirs, l’horizon qui s’étendait
en dessous. Elle avait mal, mais ne savait pas pourquoi, aussi, elle se vengeait
de ce mal qui la rongeait, sur ces marchands qui allaient et venaient. De
vagues souvenirs, remontaient à la surface de sa mémoire, qu’elle
ne comprenait pas, pas encore. Ses cris résonnaient dans le ciel et
les nuages de brumes. Tous la craignaient sans jamais l’avoir vu. Depuis
peu, il y avait ces robes rouges comme le sang, qui prenaient le chemin des
marchands. Elle savait, qu’eux, ils l’avaient vu, et qu’ils
la traqueraient sans relâche. À plusieurs reprises, elle avait
fondu sur eux, c’est alors que le nom que leur donnaient les hommes,
avait une raison d’être « Les Robes Pourpres ».
Ses yeux, quand elle était trop seule, se mouillaient de larmes. À
ce moment-là, ses cris déchiraient le ciel, le vent les portait
sur les chemins, pour dire aux hommes qu’elle était là,
alors, ils baissaient les yeux et rentraient chez eux.
Aujourd’hui, le ciel était bleu, les soleils coloraient les plaines
de teintes dorées tandis qu’une ceinture de nuages encerclait
la cité d’une sinistre étreinte. Elle aimait sentir la
chaleur des astres la réchauffer. Elle restait ainsi de longs moments,
les yeux mi-clos. C’était les seuls instants où elle était
bien, les seuls instants où elle oubliait qu’elle était,
« La Chose ».
- Combien crois-tu que nous rallonge le chemin des Dyaïm’hall ?
- D’après ce que m’en a dit Bragon, nous ne devrions plus
tarder à rejoindre la route principale !
Extrait tiré de " La Métamorphose
de Natki
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